ALICOM 99/12





Conférence internationale sur le commerce des denrées alimentaires
Au-delà de l'an 2000: décisions fondées sur des données scientifiques, harmonisation, équivalence et reconnaissance mutuelle
Melbourne (Australie), 11 - 15 octobre 1999

Garantir la qualité et l'innocuité des aliments: retour à l'essentiel -
Contrôle de la qualité tout au long de la chaîne alimentaire: le rôle des milieux universitaires

par

Kraisid Tontisirin, Songsak Siranujata et Lalita Bhattacharjee,
Institut de la nutrition, Université de Mahidol, Salaya (Thaïlande)


Table des Matières


I. Introduction

1. Les professionnels de l'alimentation et de la nutrition exercent un rôle à la fois direct et catalytique dans le bien-être nutritionnel des consommateurs, de la communauté et de la société dans son ensemble, en contribuant à la bonne qualité et l'innocuité des aliments. Il est notoire que la contamination des approvisionnements alimentaires se traduit par des maladies, et qu'il s'agit là d'une menace grave pour la santé publique. Tous les pays ont actuellement besoin, d'urgence, de programmes durables de garantie de la qualité et de l'innocuité des denrées alimentaires, qui à long terme devraient leur permettre d'assurer aux communautés locales et nationales des approvisionnements alimentaires sains et sûrs, dans des quantités suffisantes et à des prix abordables.

2. Alors que les connaissances et la technologie existantes permettraient déjà de faire beaucoup à cet égard, des recherches importantes sont encore nécessaires pour simplifier et normaliser les méthodes de recherche, en laboratoire et autres, afin d'améliorer la collecte d'informations, et de mettre au point des techniques simples et efficaces permettant de réduire les risques alimentaires à différents niveaux. En particulier, les approches novatrices de la planification, de l'exécution et de la formation en vue de mesures de contrôle des denrées alimentaires peuvent contribuer à assurer l'innocuité et la qualité des denrées alimentaires pour le consommateur local, pour les marchés locaux et pour l'exportation. Il faut bien entendu pour cela déployer des efforts coordonnés et concertés à l'échelon des gouvernements nationaux, des milieux universitaires, des organismes de consommateurs et de l'industrie, qui seront souvent facilités par les organismes internationaux.

3. Les milieux universitaires, dans ce contexte, par l'éducation et la formation, la recherche et les services aussi bien que par la formulation de politiques de sensibilisation, peuvent fournir la base d'action nécessaire pour favoriser la mise en oeuvre de stratégies éducatives permettant d'assurer la qualité et l'innocuité des produits alimentaires.

4. La présente communication expose un point de vue intégré et pratique sur le rôle des milieux universitaires dans l'assurance qualité et l'innocuité des produits alimentaires. Elle portera sur les points suivants:

II. Qualité et innocuité des produits alimentaires: un élément fondamental de la sécurité alimentaire

5. Il est essentiel, pour que les communautés vivent en bonne santé et soient productives, qu'elles soient assurées de rations alimentaires leur apportant tous les macro- et micronutriments essentiels (vitamines et sels minéraux) en quantité suffisante, aussi bien que les éléments biologiquement précieux autres que les nutriments, formant un régime alimentaire équilibré et diversifié. Les familles doivent pouvoir se procurer et préparer de la nourriture, qui outre qu'elle sera nutritive et saine, devra également être exempte de contamination. Pour ce faire, les ménages doivent avoir accès à des approvisionnements adéquats en denrées sains pour répondre aux besoins nutritionnels de chacun de leurs membres.

6. À l'échelon mondial, on projette que les disponibilités alimentaires par personne s'accroîtront d'environ 7 pour cent entre 1993 et 2020, passant d'environ 2 700 kcal par personne et par jour en 1993 à environ 2 900 kcal2. Des accroissements des disponibilités moyennes par personne sont prévus dans toutes les grandes régions. Pour permettre une vie saine et active, l'énergie dérivée de l'alimentation doit provenir d'une proportion appropriée de macronutriments et de sources diversifiées de denrées alimentaires. La disponibilité et l'accessibilité de la diversification et de la variété de l'alimentation sont également des facteurs essentiels pour surmonter les carences en micronutriments. Les données présentées dans la Figure 1, par exemple, montrent que les approvisionnements alimentaires disponibles dans la région Asie et Pacifique consistent en grande partie en hydrates de carbone, et à un degré bien moindre en protéines (FAO, 1999). Le manque d'approvisionnements adéquats, les carences de la distribution et la diversité insuffisante du régime alimentaire donnent aussi lieu à des carences en énergie protéique (CEP), qui sont fréquentes chez les enfants dans une grande partie du monde en développement. Les insuffisances des services de santé publique et des soins sont également des facteurs déterminants des CEP. On estime que 192 millions d'enfants âgés de moins de 5 ans présenteraient des symptômes de malnutrition (Figure 2).

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7. Le processus tout entier consistant à assurer la qualité et l'innocuité des produits alimentaires peut être considéré comme la recherche d'une adéquation, en quantité et en qualité, soutenue parallèlement par la bonne qualité et l'innocuité des aliments. Il doit être répondu à ces impératifs à l'échelon initial du développement humain, à savoir au niveau des communautés. La sécurité alimentaire est l'élément fondateur de la salubrité des aliments, et une approche communautaire permet de bien illustrer ce concept. Les milieux universitaires peuvent jouer leur rôle à tous les stades, et ainsi contribuer collectivement au progrès vers l'innocuité des denrées alimentaires. Qualité et innocuité des produits alimentaires selon des approches communautaires.

8. La qualité et l'innocuité des produits alimentaires, lorsqu'on les envisage comme faisant partie intégrante de la sécurité alimentaire, supposent la mise en oeuvre appropriée des sciences nutritionnelles et des technologies alimentaires à toutes les étapes du cycle de l'alimentation et de la nutrition. L'individu et le ménage, puis la communauté sont les noyaux successifs qui dépendent de chacun des facteurs ayant une incidence sur leur état nutritionnel et sanitaire, et déterminant par la suite la sécurité alimentaire et l'innocuité des aliments (Figure 3). La sécurité alimentaire est, on le voit, influencée par plusieurs variables. Celles-ci doivent être infléchies à des degrés divers pour améliorer la salubrité des denrées alimentaires pour les ménages et la communauté. Les solutions dépendront des circonstances locales, et feront appel à la participation, à l'échelon des ménages et des communautés locales, aussi bien que dans le contexte élargi du pays. L'intégration de la qualité et de l'innocuité des produits alimentaires dans la sécurité alimentaire des ménages et des communautés advient donc ainsi.

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9. Les milieux universitaires, grâce à cette base de recherche-action fondée sur la vulgarisation communautaire, peuvent contribuer sensiblement au renforcement de l'innocuité et de la qualité des denrées alimentaires en mettant en oeuvre une approche intégrée. Une bonne compréhension de ce contexte et de cette approche de caractère communautaire est essentielle pour traiter des contingences pratiques de qualité et d'innocuité des produits alimentaires, qui sont par essence la question fondamentale par laquelle commencer.

A. CONSOMMATION ET PRATIQUES ALIMENTAIRES

10. À tous les niveaux, que ce soit celui des ménages ou des communautés, l'une des manières d'améliorer la consommation d'aliments appropriés, sains et de bonne qualité consiste à promouvoir des orientations diététiques types par aliment (ODTA) en tant qu'outil de communication et d'action nutritionnelle, action qui peut être entreprise par les milieux universitaires. La plupart des pays d'Asie ont élaboré des ODTA, qui visent à améliorer les pratiques diététiques existantes et permettent aux consommateurs de penser en termes des denrées alimentaires réelles plutôt que de nutriments. Faire que l'on mange une nourriture saine et salubre de qualité, voilà ce que veulent promouvoir les ODTA.

11. Les conseils visant la sécurité des pratiques d'alimentation infantile représentent un secteur qui mérite de retenir l'attention. Par exemple l'allaitement au sein, qui permet de prévenir ou de faire disparaître les infections pathogènes entériques, doit être fortement appuyé et favorisé par les ODTA. L'alimentation de complément appropriée, consistant en aliments sains préparés avec des ustensiles propres, doit être encouragée. La cuisson complète des aliments de complément, avec un délai minimal entre la cuisson et l'ingestion, doit aussi être préconisée dans les ODTA, ainsi que les pratiques d'hygiène, comme se laver les mains avant de manipuler des aliments et respecter les règles de propreté dans la cuisine. Laver fruits et légumes, préparer les aliments juste avant de manger, veiller au bon entreposage des restes, protéger les aliments des ravageurs et veiller à la protection des produits sur les étals sont autant de pratiques essentielles qui doivent entrer dans les m_urs. Les céréales germées et les farines sont non seulement nutritives, mais peuvent être entreposées pendant des périodes prolongées et sont de consommation sûre pour les ménages et les communautés. La manipulation de l'eau dans de bonnes conditions d'hygiène doit aussi figurer parmi les ODTA. Au niveau du ménage, en particulier dans les secteurs ruraux et urbains défavorisés, le traitement de l'eau pour en rendre l'usage hygiénique est essentiel, et les communautés doivent y être sensibilisées.

12. La base de connaissances nécessaire pour élaborer et favoriser les éléments de qualité et d'innocuité des produits alimentaires dans les ODTA suppose aussi un examen attentif du comportement des personnes dans le contexte des écosystèmes communautaires. Nombre d'agents des maladies diarrhéiques survivent, voire prolifèrent hors du corps humain, ce qui favorise la transmission et perpétue les infections dans la communauté. Les modes de vie, les conditions climatiques et les facteurs sanitaires peuvent faciliter la diffusion des agents pathogènes entériques et la contamination des aliments et de l'eau potable, favorisant les pathologies d'origine alimentaire dans la communauté. Les coutumes, croyances et tabous se rapportant aux aliments, et les habitudes alimentaires, doivent être étudiés sur un plan interculturel et en termes de transmission du risque et de propagation des infections. Les milieux universitaires peuvent activement mobiliser la recherche épidémiologique à cet égard. Les connaissances ainsi acquises pourront être utilement mises à profit en concevant, en choisissant et en recommandant des stratégies de prévention et de contrôle des pertes de denrées alimentaires après récolte et des maladies liées à l'alimentation. Le comportement et les modes de vie des mères et des aides qui concourent à élever les enfants, à préparer la nourriture et à tenir la maison sont d'une importance cruciale. Des ODTA bien conçues peuvent agir puissamment pour améliorer l'innocuité des denrées alimentaires.

B. UTILISATION

13. L'utilisation de denrées salubres de qualité peut être facilitée par un système bien développé de services de santé et de pratiques de soin, par des programmes spécifiques d'alimentation et de nutrition, conformes au contexte de vie de chaque communauté, et par le suivi et la surveillance appropriés de ce système.

C. SERVICES DE SANTÉ ET PRATIQUES DE SOINS

14. Des éléments ayant trait à la qualité et à l'innocuité des produits alimentaires peuvent être intégrés dans les interventions conçues pour être menées au niveau des communautés dans le cadre des services de santé, chaque fois que possible. Ces approches ne doivent pas simplement être "surajoutées" aux systèmes de santé primaire comme s'il s'agissait d'éléments distincts ou facultatifs. Les services de base apportés aux ruraux et urbains pauvres, qui comportent des activités comme les interventions sanitaires, nutritionnelles et éducatives, doivent nécessairement inclure l'eau potable en tant que service essentiel déterminant pour l'innocuité des denrées alimentaires.

15. Les interventions peuvent répondre aux besoins informationnels et éducatifs de la communauté. Au niveau local, des efforts vigoureux doivent être faits pour stimuler la constitution de groupes de consommateurs et pour s'assurer que la communauté est tenue au courant et qu'elle est associée dès le début à toutes les étapes conduisant à la mise en oeuvre des interventions spécifiques, et qu'elle participe à l'évaluation de l'efficacité des programmes. L'information et la prise de conscience doivent être fortement favorisées pour susciter les changements nécessaires et souhaitables des comportements liés à la salubrité des aliments dans la communauté. Les services de santé et les pratiques de soins doivent prévoir des mesures de base d'hygiène et d'assainissement.

D. PROGRAMMES SPÉCIFIQUES D'ALIMENTATION ET DE NUTRITION

16. Les facteurs directs et annexes qui assurent la qualité et l'innocuité des produits alimentaires doivent être identifiés et définis dans le cadre de programmes spécifiques d'alimentation et de nutrition. La manipulation sans hygiène des denrées alimentaires, qui s'associe souvent à une mauvaise hygiène de l'environnement, est un facteur bien connu dans l'étiologie de la malnutrition. Les enfants sont particulièrement vulnérables aux infections intestinales, et même s'ils survivent à l'infection, l'aggravation de leur malnutrition peut entraîner des retards de croissance qui en feront des adultes potentiellement moins productifs.

17. Les rapports entre alimentation et santé sont aussi déterminés par certaines pratiques socioculturelles, qui sont parfois indésirables. Il faut donc aussi agir sur ce front. Par exemple la diarrhée n'est pas considérée un problème de santé, sauf si elle est aiguë. Quand ils sont fiévreux ou atteints par une infection, il est fréquent que les enfants ne reçoivent pas de bain, car on croit que celui-ci accentuera la fièvre. Les risques associés aux denrées alimentaires ne se limitent d'ailleurs pas à la seule contamination biologique, mais peuvent aussi être dus aux additifs chimiques. Il a été signalé qu'au Nigeria, le suya (viande sur brochette de bois) assaisonné avec un mélange d'épices contenant du RN orange pourrait être un facteur d'anémie hémolytique 9.

18. Il est possible d'assurer l'éducation alimentaire des enfants dans le cadre des programmes de repas scolaires, en leur servant des aliments sains et convenablement préparés. Les enfants peuvent être motivés pour devenir des "agents de changement" par des activités et des projets portant sur la qualité et l'innocuité des produits alimentaires, qui leur permettront de percevoir les avantages qu'il y a à consommer une nourriture nutritive. Les repas scolaires doivent être préparés, présentés et servis de manière hygiénique. Une coordination multisectorielle, s'inscrivant dans l'approche communautaire, peut aider à intégrer le principe d'innocuité des denrées alimentaires dans les programmes de nutrition qui sont mis en oeuvre. Les facteurs connexes mais déterminants d'hygiène alimentaire et d'assainissement doivent être retenus en tant que thèmes prioritaires, en particulier dans les zones défavorisées.

E. SUIVI ET SURVEILLANCE

19. Les universitaires, les enseignants et les agents communautaires qui interviennent dans le vaste processus de développement devant conduire à l'assurance d'une nourriture saine et de qualité doivent se rencontrer régulièrement et vérifier l'avancement régulier des programmes ou des projets. L'évaluation de l'efficacité des mesures prises doit être faite par les deux groupes, à savoir les universitaires et les membres de la communauté concernée. Les avantages doivent être perçus non seulement par les éducateurs nutritionnistes, les agents communautaires et les enseignants, mais principalement par les intéressés eux-mêmes, individuellement et collectivement.

20. Il est fréquent qu'en milieu urbain comme en milieu rural des progrès novateurs doivent être accomplis dans les petites entreprises communautaires de transformation des denrées alimentaires. Les petits débits d'aliments prêts à consommer sont autant d'endroits essentiels où des solutions techniques et des procédures de surveillance doivent être trouvées pour améliorer la salubrité des aliments locaux. Il sera par exemple nécessaire d'identifier les points critiques à maîtriser dans la préparation, l'entreposage et l'ingestion des aliments, en particulier pour ce qui est des aliments de complément. Conserver des aliments à température ambiante pendant de longues périodes favorise par exemple la propagation des bactéries. Des points critiques comme une contamination initiale élevée, les températures de cuisson, et la durée et la température de maintien des aliments en attente peuvent permettre d'identifier les divers risques liés à la cuisine dans les communautés. Des programmes communautaires peuvent favoriser l'organisation spontanée des marchands d'aliments cuisinés pour faciliter leur éducation, ainsi que leur accès au crédit et à d'autres sources de financement nécessaires aux améliorations techniques requises. Il est par ailleurs essentiel que l'intervention proposée soit évaluée et que ses avantages soient comparés aux pratiques traditionnelles. Un examen des risques et/ou une évaluation, comme de besoin, doivent être faits. Sur la base des fonctions et des tâches identifiées, des indicateurs d'impact pourront être mesurés, et l'évaluation sera entreprise collectivement, et s'assortira de suggestions d'actions correctives.

F. PRODUCTION ALIMENTAIRE

21. Le système alimentaire, qui inclut la production, la transformation, la distribution, la préparation et la consommation des denrées, est fonction du niveau de développement, du revenu et des caractéristiques socioculturelles de la communauté qui le pratique. Celle-ci connaît souvent des problèmes de qualité et d'innocuité des produits alimentaires qui lui sont propres, et qui sont spécifiques à la situation locale. Comme les facteurs sociaux et économiques varient à l'intérieur de chaque système, différentes stratégies de contrôle de l'innocuité des denrées alimentaires sont nécessaires, et dans le cas qui nous occupe, la composante communautaire est indispensable.

22. L'éducation à la production alimentaire doit mettre l'accent sur la production et le jardinage à la maison, à l'école et à l'échelon communautaire. En premier lieu, il est nécessaire d'assurer l'innocuité de la nourriture en prévenant toute contamination pendant la production des denrées. Il faut pour cela appliquer les mesures appropriées, par exemple vacciner les animaux pour prévenir la contamination du lait par Brucella sp.. Les niveaux de résidus de pesticides peuvent être maîtrisés en veillant à ce que les applications soient faites correctement, et au respect des bonnes pratiques agricoles. Les disciplines universitaires du domaine des biotechnologies peuvent être mobilisées de façon optimale pour produire des variétés végétales plus résistantes aux maladies et exigeant moins de pesticides. La biotechnologie alimentaire peut également permettre de satisfaire la demande toujours croissante de vivres. En ce qui concerne les contaminations chimiques, la prévention peut consister notamment à mettre en oeuvre des mesures environnementales permettant de maintenir les concentrations en deçà des seuils de sécurité.

23. Les milieux universitaires, dans le cadre de leurs programmes de recherches et d'activité de développement, peuvent aider à identifier et à régler les problèmes liés à l'accès à des aliments sains au niveau des communautés. L'analyse microbiologique d'échantillons des chappati vendus dans les quartiers de taudis urbains, prélevés aux diverses étapes de la préparation et de l'entreposage, a mis en évidence des contaminations microbiennes importantes. La matière première, ceux qui la manipulent, le matériel culinaire et la surface des ustensiles se sont révélés être autant de facteurs de contamination de la nourriture 4. Les principes d'un bon contrôle de la qualité des denrées alimentaires doivent être intégrés dans les programmes agricoles. En Thaïlande 6 le programme de production agricole inclut la production de denrées alimentaires nutritives (en particulier d'aliments de complément pour les enfants en bas âge), la production de riz de plateau, et l'amélioration des sols. Les avantages qui en découlent sont l'amélioration du revenu et de la sécurité alimentaire du ménage. Les autres activités de production vivrière à l'échelon des communautés incluent le jardinage domestique, la culture de fruits, de légumineuses et de sésame, l'ensemencement des étangs de pisciculture, et la prévention des maladies endémiques de la volaille. La nourriture ainsi produite, et les poulets et les oeufs ainsi obtenus sont sains et facteurs de sécurité.

G. TRANSFORMATION ET VENTE DES PRODUITS ALIMENTAIRES

24. Les denrées alimentaires, notamment celles qui sont produites par les ménages et les communautés, doivent être consommées dans un délai relativement bref, faute de quoi elles risquent de se gâter si elles ne sont pas transformées ou conservées. Les activités traditionnelles de transformation des produits alimentaires, telles que le séchage, la torréfaction, le mélange, la mouture et l'emballage, peuvent donc devoir être renforcées pour mettre à profit leurs effets bénéfiques sur la qualité et l'innocuité des produits alimentaires, indépendamment de l'amélioration de leurs qualités nutritionnelles. Les pratiques de manutention après récolte et d'entreposage sur l'exploitation, comme à l'étape de la commercialisation, doivent ainsi être examinées. Aux niveaux de la petite production villageoise ou communautaire comme du traitement, de l'entreposage ou de la commercialisation, les agents qui participent à la promotion d'activités après récolte améliorées doivent également prêter attention à des considérations sociales et économiques. De mauvaises conditions d'entreposage des céréales dans les communautés peuvent non seulement entraîner la perte de denrées, mais aussi faire que les ressources investies dans la production l'auront été en pure perte. Ces ressources auraient pu servir à diversifier le régime alimentaire. La quantité, la qualité, le prix et l'innocuité des produits disponibles pour les consommateurs sont fortement déterminés par la manière dont ceux-ci sont manipulés sur l'exploitation ou sur les terres de la communauté. Par exemple de mauvaises techniques de séchage et d'entreposage peuvent favoriser le développement de mycotoxines.

25. Les femmes comptent pour beaucoup parmi les agriculteurs et les producteurs vivriers de plusieurs pays asiatiques, et jouent également des rôles dominants dans les activités après récolte. L'apprentissage participatif, dans le cadre d'études de marché au niveau populaire, permet d'identifier, en même temps que les femmes concernées, les problèmes qu'elles rencontrent en ce qui concerne la salubrité des denrées alimentaires et leurs priorités. La participation à la commercialisation doit être rendue viable en améliorant l'accès des femmes rurales aux crèches, aux centres de planification familiale et aux centres de santé maternelle et infantile (SMI). Les points focaux établis avec l'appui des milieux universitaires et des organismes concernés dans le cadre de programmes communautaires visant un large éventail d'activités de développement, y compris la vulgarisation, le crédit, la distribution des intrants, la santé publique et l'enseignement aux adultes peuvent avoir un rôle précieux à cet égard.

H. PROTECTION DES CONSOMMATEURS

26. Les programmes communautaires d'éducation et de sensibilisation devraient renforcer les capacités des femmes et des communautés pour permettre la production et la consommation d'aliments sains de bonne qualité. En raison de l'insuffisance des connaissances scientifiques et techniques des consommateurs, à divers niveaux, en ce qui concerne les critères de qualité et d'innocuité des produits alimentaires, les approches programme de type communautaire permettent d'apporter aux intéressés des connaissances scientifiques et pratiques de base. Pour s'acquitter valablement de cette mission, il faut au préalable recueillir des informations factuelles. Les informations relatives à la qualité et à l'innocuité des produits alimentaires doivent être obtenue auprès de sources différentes, et être communiquées aux communautés et aux femmes. Les milieux universitaires, en collaboration avec les ONG, les gouvernements et les industriels du secteur alimentaire, ont l'obligation morale d'assurer l'innocuité et la qualité des denrées alimentaires pour les consommateurs. Ils peuvent fournir, au profit de consommateurs peu instruits, des informations et des conseils, ainsi que des messages appropriés sur la bonne manipulation des denrées alimentaires. Ces informations devraient être diffusées selon des présentations prêtes à l'usage, et chaque fois que possible être traduites en langue locale.

27. Il faut préciser ici que le consommateur ne perçoit pas nécessairement les risques tels qu'ils apparaissent au regard du scientifique. Les contraintes vécues par la communauté ont à cet égard un effet prédominant: manque d'approvisionnement en eau potable, manque d'accès à des aliments salubres, pratiques domestiques, pratiques alimentaires, etc.. Souvent, les mères qui n'ont pas d'autre solution achètent des aliments prêts à consommer aux vendeurs des rues, chez qui les mauvaises pratiques d'hygiène sont pourtant monnaie courante. Une proportion importante de la population satisfait une grande partie de ses besoins alimentaires quotidiens en mangeant de ces produits, sans s'inquiéter des conditions d'hygiène ni des risques qu'ils présentent du fait des manipulations qu'ils subissent.

28. Les entreprises communautaires de production d'aliments cuisinés présentent un fort potentiel de génération d'emploi et de revenus. Elles connaissent une croissance rapide parce qu'elles sont fortement orientées vers le consommateur et fournissent une nourriture peu coûteuse, savoureuse et traditionnelle en des endroits et à des heures commodes. Il pourrait être nécessaire d'élaborer des prescriptions et des normes minimales pour les aliments ainsi préparés et destinés à la vente, et de systématiser des méthodes appropriées et commodes permettant de prélever des échantillons et de contrôler les produits. Des apports universitaires dans les domaines des sciences et des technologies alimentaires, de la toxicologie et de la nutrition sont donc nécessaires. Il est aussi nécessaire de renforcer les mécanismes de contrôle des denrées alimentaires, non seulement par des programmes améliorés mais aussi au moyen de mesures législatives.

29. Il importe que toutes les parties - milieux universitaires, communautés, gouvernement et organisations non gouvernementales, tout comme le secteur privé - qui interviennent dans le développement communautaire apportent collectivement des contributions au processus de gestion de l'innocuité des denrées alimentaires. Un processus consultatif peut être mis en oeuvre en bien des manières, de l'organisation de réunions à la rédaction de documents éducatifs, en passant par la définition d'une politique de gestion de l'innocuité des denrées alimentaires. En Thaïlande, par exemple, l'étiquetage des aliments et l'indication de leur valeur nutritionnelle sont maintenant obligatoires. Par ailleurs il est nécessaire d'élaborer une réglementation modèle couvrant tous les aspects de la question pour parer aux déclarations mensongères ou abusives, ainsi que des règles spéciales portant sur l'étiquetage (mentions nutritionnelles) et les effets sur la santé.

III. Références internationales en matière de qualité et d'innocuité des produits alimentaires

30. Dans le cadre d'initiatives internationales, telles que la Conférence internationale sur la nutrition et le Sommet mondial de l'alimentation, menées dans les années 90, des politiques et des pratiques durables ont été établies ou pratiquées à divers niveaux pour améliorer l'accès physique et économique à une alimentation suffisante, nutritionnellement appropriée et saine, et pour en assurer l'utilisation efficace. À cet égard, la Commission du Codex Alimentarius (CCA) fait référence pour ce qui est de l'élaboration de programmes fructueux contribuant à promouvoir la qualité et l'innocuité des denrées alimentaires 3. Grâce aux nouvelles attentes vis-à-vis du Codex résultant des négociations commerciales multilatérales d'Uruguay, un nouvel ensemble d'orientations est devenu disponible pour établir une base scientifique solide en vue de la détermination de normes. Les milieux universitaires pourraient porter une attention plus grande à la prévention et au contrôle des pertes des denrées et de la contamination des aliments dans le cadre de programmes de services et de recherche-développement.

31. Quand des produits alimentaires de qualité médiocre ou insalubres accèdent au marché international par le biais du commerce d'exportation, la situation se traduit souvent par des actions génériques et des pertes substantielles résultant de la combinaison de la détérioration de denrées alimentaires, de la maladie et même de la mort, d'actions judiciaires et de pénalités commerciales, du rappel de produits et de la perte de crédibilité des produits en cause. Les pratiques hygiéniques au cours de la manutention des denrées alimentaires, de leur transformation, du transport et de l'entreposage ont donc une importance cruciale. Les initiatives portant sur l'innocuité des denrées entreprises par les milieux universitaires peuvent ainsi devenir un dispositif important de soutien de la libéralisation des échanges commerciaux. La Commission du Codex Alimentarius a ainsi adopté des normes nationales minimales pour appuyer la transformation des denrées salubres en vue de leur commercialisation sur le marché intérieur ou pour exportation. Leur application se traduit par l'assurance de produits sains, non frelatés, correctement étiquetés et présentés.

32. L'innocuité des denrées alimentaires peut être considérée comme constituant une composante essentielle de leur qualité globale, pour laquelle les milieux universitaires peuvent agir en tant que catalyseurs. Les milieux universitaires pourraient envisager d'apporter des contributions de cet ordre aux interventions issues de l'initiative des communautés ou de l'industrie, en diverses manières et à divers niveaux. Ils peuvent s'associer aux différents organismes et au gouvernement dans le cadre du système national de contrôle des produits alimentaires, à une étape quelconque ou à toutes les étapes de la chaîne de production et de consommation. Par le biais des formations et des programmes de recherche-développement, des contributions peuvent être faites à l'élaboration de normes pour la mise en oeuvre de systèmes appropriés de contrôle des denrées alimentaires. Les obstacles principaux qui affectent la mise en oeuvre de tels systèmes sont notamment une recherche des provenances qui n'est pas optimale, et les problèmes survenant lors de la production, du conditionnement, de l'entreposage, du transport et de la distribution. Les travaux de laboratoire et les activités menées en collaboration avec l'industrie peuvent permettre d'établir des normes pour imposer des matériaux de bonne qualité, du matériel de transformation fiable et bien construit, et apporter une assistance aux projets de commercialisation.

33. Il arrive que des substances toxiques soient naturellement présentes dans certaines denrées, ou soient présentes dans l'environnement où les cultures se développent ou dans le milieu où vivent les animaux. En dépit de tous les efforts faits pour respecter les bonnes pratiques agricoles, des substances toxiques naturelles réussissent à pénétrer dans la chaîne alimentaire, causant souvent des maladies. Pour répondre aux préoccupations concernant les maladies liées aux aliments, la bonne application des techniques de santé publique et de surveillance des produits alimentaires est indispensable. Or pour bien appliquer ces techniques, il faut comprendre les mécanismes en cause. Au niveau industriel, l'application du système d'analyse des dangers et de maîtrise des points critiques (HACCP), combinée avec des contrôles effectués par les autorités sanitaires compétentes, est efficace pour assurer l'innocuité des produits alimentaires 1. À l'échelon des ménages de tels contrôles ne sont pas toujours possibles, et dans les entreprises de restauration ou de services de traiteur, les possibilités de contrôle sont également limitées. C'est pourquoi les personnes qui manipulent des aliments et les consommateurs doivent être éduquées dès le plus jeune âge, dans la famille et la communauté locale, à la bonne application des technologies alimentaires, qui peuvent aussi être mises en exergue dans nos programmes de vulgarisation sanitaire et agricole.

IV. Composantes des programmes universitaires

34. Les différentes composantes des programmes universitaires peuvent être considérées comme un processus en six phases graduées susceptible de contribuer à la qualité et à l'innocuité des produits alimentaires (Figure 4). Au tout commencement, comme on le sait bien, viennent l'éducation et la formation. Les autres composantes apportées par les milieux universitaires suivent, trouvent des applications appropriées, et mènent en fin de compte à l'élaboration, au niveau national, d'un éventuel système assurant l'innocuité des denrées alimentaires.

V. Éducation et formation

35. Ce n'est que par l'éducation et la formation à différents niveaux que les autorités de contrôle des denrées alimentaires, l'industrie et les consommateurs peuvent disposer des informations nécessaires pour prendre des décisions sur une base scientifique solide. Les milieux universitaires doivent s'adapter aux approches nécessaires pour atteindre les objectifs de qualité et d'innocuité des produits alimentaires, en mettant l'accent sur les fonctions qui jouent un rôle de plus en plus déterminant dans la disponibilité, pour les populations, de régimes alimentaires salubres et nutritifs. La meilleure façon d'y parvenir est d'apporter, dans les établissements universitaires, des formations pilotées par les besoins perçus.

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A. FORMATIONS CLASSIQUES

36. Des formations classiques sont offertes dans les établissements universitaires, le plus souvent sous forme de cours des premier et deuxième cycles, puis au niveau du troisième cycle. Ces formations permettent d'apporter des contributions valables dans le contexte susvisé. Les programmes de toxicologie, alimentation et nutrition, de contrôle de la qualité dans l'industrie alimentaire, de technologies appropriées dans la transformation des produits alimentaires, ou de protection des consommateurs dans les domaines de l'alimentation et de la nutrition sont de bons exemples des spécialités enseignées aux étudiants de maîtrise.

37. Les cours proposés dans le cadre de ces programmes permettent d'améliorer les capacités analytiques des étudiants et des stagiaires. Par exemple la surveillance des contaminants est un élément essentiel des programmes de contrôle de l'innocuité des denrées alimentaires. L'Université peut, dans le cadre des cours qu'elle propose, former des étudiants aux fonctions d'agents des services sanitaires, en les armant des connaissances théoriques et pratiques voulues, y compris le travail en laboratoire, en vue de l'analyse des causes communes des maladies liées à l'alimentation. Dans le cadre de formations appropriées de ce type, les ressources du corps enseignant et des étudiants peuvent être mobilisées, et l'on pourra élaborer des protocoles et des procédures d'assurance qualité, qui conduiront en fin de compte à un renforcement des capacités d'analyse dans un contexte élargi.

38. Les programmes universitaires peuvent contribuer à assurer de bonnes pratiques de production, de transformation, et des procédures de contrôle de l'innocuité des denrées alimentaires dans le cadre des formations classiques. Par exemple, la maîtrise des bonnes pratiques de transformation est essentielle pour une bonne pratique professionnelle chez les personnels de contrôle de la qualité et de l'innocuité des produits alimentaires. La qualité et l'innocuité des denrées destinées à la transformation industrielle peuvent être assurées en appliquant les bonnes pratiques manufacturières (BPM) et les bonnes pratiques d'hygiène (BPH) à la transformation des produits alimentaires. Les connaissances requises peuvent être inculquées dans le cadre de formations pratiques dans l'établissement, comme dans le cadre de stages. Les systèmes d'archivage de données peuvent être étudiés dans le cadre de stages, notamment en pratiquant l'enregistrement des résultats des activités de contrôle de la qualité. Il faut à ce sujet bien se rendre compte que tout ceci exige une compréhension approfondie des informations techniques liées au produit alimentaire, aux méthodes de transformation et aux installations de production. Les sciences et les technologies alimentaires sont des disciplines complexes, qui font intervenir des connaissances spécialisées dans tout un éventail de domaines, tels que la chimie, la biochimie, la chimie physique, la microbiologie, la nutrition, la toxicologie et diverses disciplines connexes. En raison de l'ampleur des problèmes d'innocuité et de qualité des denrées alimentaires, les universitaires peuvent être périodiquement formés au développement de nouveaux produits alimentaires, aux nouvelles technologies, aux nouvelles méthodes de transformation des produits alimentaires, ainsi qu'aux essais et aux procédures d'analyse des aliments. Cela suppose une assistance technique de la part de la FAO, en particulier pour ce qui concerne les pays en développement 8.

39. Les connaissances scientifiques et les données de recherche en microbiologie et en hygiène des denrées alimentaires dont disposent les établissements universitaires peuvent être utilement employées par le Codex pour traiter des dangers microbiologiques liés aux aliments. La fourniture de services de contrôle de qualité par les établissements universitaires et leur renforcement peuvent contribuer à la réalisation des objectifs de la CCA, à savoir protéger la santé humaine et favoriser les échanges commerciaux de produits alimentaires. Afin de promouvoir largement les bonnes pratiques manufacturières dans le cadre de l'action pour l'innocuité des denrées alimentaires, les milieux universitaires peuvent contribuer à l'élaboration de manuels à l'intention aussi bien des vendeurs que des acheteurs. Pourraient y figurer diverses caractéristiques détaillées, par exemple les paramètres qui font un produit de qualité. Par ailleurs, comme aujourd'hui les produits alimentaires font l'objet d'un commerce de plus en plus lointain, la description formelle des marchandises prend une importance accrue 5.

40. Éducation et formation sont synonymes d'accroissement des connaissances: l'action éducative doit être étendue aux pratiques d'inspection des denrées alimentaires, d'analyse, de production, de transformation et de consommation. Les programmes éducatifs sont trop souvent évalués à la production de manuels et de documents, et à leur circulation. Trop peu d'efforts ont été faits pour évaluer l'efficacité pratique de l'éducation et de la formation, et il faudrait y remédier.

B. FORMATIONS HORS FILIÈRES CLASSIQUES

41. Le niveau éducatif relativement bas des populations dans leur ensemble fait obstacle à l'intégration effective de l'intérêt du consommateur pour le contrôle des denrées alimentaires. Les consommateurs, en particulier les moins instruits, manquent des compétences de base, des connaissances et des capacités nécessaires pour faire connaître efficacement leurs problèmes aux agents chargés du contrôle sanitaire des produits alimentaires, comprendre les aspects techniques de l'innocuité et de la qualité des denrées alimentaires, et acquérir l'autonomie qui leur permettrait d'effectuer les changements nécessaires. Les milieux universitaires peuvent, en élaborant et en mettant en oeuvre des programmes appropriés d'éducation et d'information des consommateurs, aider à surmonter ces obstacles éducatifs. Un mécanisme peut être mis en place, au moyen de stages, pour faire mieux prendre conscience aux consommateurs des questions de qualité et d'innocuité des produits alimentaires. La communauté universitaire peut engager des efforts pour maximiser la portée des programmes éducatifs et de l'information, et jouer de l'effet multiplicateur des groupes pour faire avancer l'exigence d'innocuité des denrées alimentaires. Les femmes, en particulier, peuvent être formées dans le cadre de stages à la création d'établissements de vente d'aliments à emporter. Cela n'exige aucune formation de fond spécifique, pour peu qu'elles sachent cuisiner. Cet aspect peut être optimisé en offrant une formation scientifique, mais pratique, à la création de petits commerces de services fondés sur la qualité et la salubrité des produits.

42. En ce qui concerne la contamination bactérienne des aliments, qui est à l'origine de beaucoup de maladies humaines, les milieux universitaires peuvent offrir une grande variété de cours, spécialement adaptés, dans des filières de formation autres que classiques. Les organismes qui produisent des intoxications sont les contaminants normalement présents dans l'environnement, provenant du sol, des animaux et du matériel de transformation ou du personnel intervenant dans la transformation des produits alimentaires et leur préparation, y compris des facteurs tels la cuisson insuffisante, le refroidissement mal maîtrisé des aliments cuits, l'entreposage dans de mauvaises conditions, la contamination croisée entre aliments cuits et crus, les mauvaises conditions de réchauffement, le nettoyage insuffisant du matériel et la préparation des mets trop longtemps avant leur consommation. L'éducation de ceux qui sont appelés à manipuler des produits alimentaires (commercialement comme à titre privé) à la manutention, à la préparation, et à l'entreposage appropriés aiderait à prévenir les maladies bactériennes transmises par les aliments, et pourrait à ce titre représenter une partie importante des programmes pratiques de formation et d'action des établissements universitaires. L'attention doit être appelée sur les approches participatives de l'innocuité des denrées alimentaires auprès des consommateurs, à divers niveaux. Divers groupes de consommateurs peuvent également être dynamisés par des programmes universitaires et souhaiter exercer des responsabilités pour généraliser l'innocuité des denrées alimentaires.

43. Les universitaires peuvent contribuer à expliciter la multitude des facteurs et l'importance de la protection contre des substances toxiques spécifiques, pour permettre d'estimer de manière réaliste les risques pour la santé humaine. L'organe national de contrôle des produits alimentaires et pharmaceutiques, en consultation avec d'autres organismes, a pour attribution de déterminer les seuils déclenchant une action judiciaire, à savoir la concentration maximale de contaminants autorisée dans les produits alimentaires et les produits d'alimentation animale, sur la base de considérations économiques, de la faisabilité technique, et des évaluations du risque toxicologique. Les universitaires peuvent être invités à sensibiliser les gouvernements dans le cadre de programmes appropriés d'éducation et de formation. Des conférences sur la toxicologie alimentaire et nutritionnelle (dans le cadre des programmes normaux ou extra-muros) peuvent traiter des conséquences pour la santé publique et des aspects réglementaires des problèmes de salubrité des produits alimentaires et de contamination des aliments, en particulier en ce qui concerne les contaminants des denrées alimentaires (tels que définis par le Codex Alimentarius FAO/OMS). Les substances toxiques naturellement présentes dans les produits alimentaires, aussi bien que les risques microbiens et les contaminants industriels sont autant de sujets de préoccupation, et sont étudiés à ce titre par les universitaires. La production et les pratiques agricoles, qui sont les premières étapes dans la chaîne alimentaire, peuvent être abordées dans le contexte susmentionné. La contamination par les aflatoxines est une forme importante de contamination qui menace la chaîne alimentaire. Les produits les plus souvent incriminés sont les arachides, le maïs, les piments rouges et le lait.

44. En Thaïlande, entre 1993 et 1995, un Comité national présidé par le Secrétaire général de l'Institut thaï des normes industrielles (TISI) a été chargé de résoudre le problème des aflatoxines dans les aliments. Ce Comité se composait d'universitaires de différentes disciplines s'occupant de programmes touchant aux technologies alimentaires, à l'agriculture et à la nutrition. Des sous-comités distincts ont plus tard été constitués pour traiter de la contamination de l'arachide, du lait et du maïs par les aflatoxines. Chacun de ces sous-comités était responsable de la direction de projets de recherches expressément conçus pour réduire ou éliminer cette contamination. On peut citer à cet égard les études sur les pratiques de production horticole menées par la Faculté d'agriculture de l'Université de Khon Khaen.

VI. Recherche-développement

45. Un rang de priorité élevé devrait être donné aux recherches qui mettent l'accent sur les aspects fondamentaux et dérivés de la qualité et de l'innocuité des produits alimentaires. Les universitaires doivent continuer de mettre au point des méthodes et des techniques d'analyse simples et peu coûteuses permettant de détecter toutes les substances dangereuses et les micro-organismes. Ces solutions devraient être applicables dans le contexte élargi des communautés locales pour apporter des avantages aussi bien culturels qu'économiques. Il conviendrait par exemple de pouvoir détecter qu'un produit est frelaté au moyen d'une trousse portative simple et bon marché, à la portée des ménages et des communautés. De même, la recherche comportementale pourrait permettre d'étudier l'acceptabilité pour le consommateur des aliments irradiés, en particulier dans les pays où cette pratique n'est pas encore largement répandue.

46. En Thaïlande, des recherches ont privilégié l'examen des facteurs qui influencent la contamination par les aflatoxines. La conception de modèles de culture fruitière produisant de bas niveaux d'aflatoxines a été entreprise, et plusieurs modèles ont été élaborés. Des programmes de formation pour les agriculteurs et les planteurs d'arachide ont été mis sur pied, et des directives sur les cultures fruitières ont été définies. Le TISI a également élaboré des directives sur les bonnes pratiques agricoles qui doivent être respectées en tant que normes nationales. Des méthodes de récolte et d'entreposage des arachides permettant de prévenir la contamination et les pertes après récolte ont également été mises au point. La Faculté d'agriculture de l'Université de Kasetsart a mis au point des produits salubres et nutritifs à base d'arachide, qui sont maintenant largement répandus dans le pays. Les universités de Thaïlande, en collaboration avec l'industrie, ont mis au point des produits prêts à consommer qui sont à la fois salubres, nutritifs, d'une durée de conservation enviable, et bien acceptés par les consommateurs. Le transfert de technologie du laboratoire à l'industrie a été rendu possible par la volonté de coopération des milieux universitaires et de l'industrie. À l'Université de Mahidol, des études ont été menées sur la teneur en aflatoxines des nouilles, des piments rouges et des arachides. Il a été observé que les arachides présentent souvent une teneur assez élevée en aflatoxines. Des études ont également été effectuées dans les établissements de restauration, la teneur en aflatoxines des plats préparés a été mesurée, et des mesures correctives ont été suggérées.

47. Pour ce qui est des mesures réglementaires, les milieux universitaires ont également été actifs en promouvant les bonnes pratiques agricoles chez les agriculteurs et ont mis en place une base de données de recherche, en particulier pour améliorer les pratiques de production alimentaire et faire appliquer des politiques efficaces de qualité et d'innocuité des produits alimentaires.

48. Les établissements universitaires peuvent contribuer, grâce aux résultats des recherches et à la mise au point d'applications scientifiques, à la protection de la santé humaine, animale et végétale. Le Comité des mesures sanitaires et phytosanitaires est une instance qui permet de surveiller la mise en oeuvre des engagements, de se consulter et de débattre des sujets liés aux incidences commerciales de ces mesures 10. Le Comité entretient aussi des contacts avec d'autres organismes compétents, et suit le processus d'harmonisation internationale. Les milieux universitaires peuvent apporter des contributions dans le cadre de séminaires, effectuer des missions en collaboration, et mener des projets techniques en coopération dans ce domaine.

A. QUALITÉ ET INNOCUITÉ DES ALIMENTS PRÉPARÉS VENDUS
DANS LA RUE

49. La qualité et l'innocuité des aliments préparés vendus dans la rue reste une question très préoccupante, principalement en raison de l'hygiène insuffisante de la préparation et de la manipulation des denrées. Plusieurs liens directs de causalité entre ces aliments et des manifestations pathologiques et des épidémies liées à l'alimentation ont été scientifiquement établis 7. La formation et l'éducation des marchands des rues sont l'une des interventions les plus efficaces qui permet d'assurer l'innocuité de ces aliments. Les milieux universitaires, en collaboration avec les autorités municipales et les organes de la société civile, peuvent organiser périodiquement des formations auprès des vendeurs et des consommateurs pour mieux leur faire prendre conscience de l'impératif de salubrité des aliments. L'éducation à l'hygiène, en particulier pour ce qui est de la manipulation des denrées alimentaires, peut grandement améliorer la salubrité des aliments, même en l'absence de toutes les infrastructures et de tous les services pourtant souhaitables.

50. Vu que différents aspects technologiques convergent dans la vente d'aliments préparés dans la rue, les institutions techniques compétentes peuvent apporter des contributions diverses répondant aux besoins de restaurateurs-vendeurs. Mentionnons à ce titre l'amélioration de l'entreposage de l'eau et du matériel de service, la préparation hygiénique d'aliments nutritifs, la conception novatrice des étals, des chariots à bras, etc..

51. Les vendeurs des rues peuvent également être mobilisés dans le cadre de programmes communautaires soutenus techniquement par les milieux universitaires pour se faire accepter comme segment légitime du système de distribution alimentaire, et même être inclus dans la planification de l'aménagement urbain. Les programmes de génie civil et de technologie alimentaire pourraient envisager d'intégrer la vente de plats cuisinés dans la rue dans leurs recherches et dans les infrastructures de services.

VII. Services

52. Les établissements universitaires peuvent, dans le cadre de leurs programmes et projets de vulgarisation, fournir des services d'analyse ou de conseil aux consommateurs comme aux producteurs commerciaux, à différents niveaux économiques.

53. En ce qui concerne les besoins de l'industrie alimentaire, les établissements peuvent effectuer des analyses régulières des produits alimentaires, tant bruts que transformés et préparés, et inspecter les matières premières, le contrôle des procédés, le contrôle de la qualité, et rechercher la présence de contaminants spécifiques dans les denrées alimentaires. Les données relatives aux sources de contamination, aux occurrences, aux résultats d'analyse, aux quantités estimatives ingérées, aux effets sanitaires et aux dispositions réglementaires peuvent être examinées en ce qui concerne les pesticides, les mycotoxines, les nitrates, les additifs intentionnels et les contaminants de l'eau potable.

54. Des conseils aux consommateurs peuvent être diffusés périodiquement, ou, sur demande, et une aide à la défense des consommateurs peut être fournie. Les établissements universitaires, s'ils ne sont pas habilités à s'occuper de la législation sur la consommation peuvent, dans le cadre de séminaires et d'ateliers réguliers, contribuer grandement à la sensibilisation et à la mobilisation des consommateurs à tous les niveaux. Dans le cadre de leur mission de service, ils peuvent informer les groupes de femmes et les aider à monter de petites entreprises de restauration respectant les normes d'hygiène alimentaire.

55. Les milieux universitaires peuvent fournir des services de protection des consommateurs en établissant des règles officielles, en particulier en ce qui concerne la préparation et le service hygiéniques d'aliments préparés, en coordination avec les autorités municipales et les conseils locaux. Les vendeurs d'aliments dans la rue, par exemple, devraient alors recevoir l'agrément officiel d'une instance ou d'un établissement universitaire, qui serait gage de qualité et contribuerait au respect de normes plus exigeantes pour les produits alimentaires.

VIII. Intégration dans la politique nationale

56. L'éducation aux principes de qualité et d'innocuité des produits alimentaires doit être intégrée, à part entière, dans la politique nationale de contrôle et d'éducation sanitaires. Il est nécessaire de stimuler la coordination et les infrastructures multisectorielles dans la perspective de la qualité et de l'innocuité des produits alimentaires. La formation aux principes correspondants devrait être incorporée dans les programmes officiels d'enseignement, de l'école primaire à l'université. Le groupe multisectoriel chargé de veiller au développement de la politique alimentaire devrait s'assurer que les compétences voulues sont mises à contribution dans l'élaboration des programmes, en particulier pour les écoles primaires.

A. PARTENARIAT

57. Les chercheurs, dont l'activité fait partie intégrante des programmes nationaux de qualité et d'innocuité des produits alimentaires, devraient périodiquement faire le point des priorités de recherche. La mise en commun et l'application des résultats des recherches dans des politiques nationales liés à l'alimentation devraient permettre de mieux contrôler la qualité et l'innocuité des produits alimentaires, favoriser la collecte uniforme de données et permettre aux organismes compétents d'avoir un accès immédiat à des informations à jour. Le partage d'informations entre les différents organismes, départements ministériels et secteurs industriels devrait aussi permettre de mettre en place un système d'information unifié. La participation étroite des autorités des secteurs de la santé, de l'agriculture, de l'éducation et du développement rural est nécessaire pour cela.

58. Il pourrait être nécessaire que les gouvernements, au niveau décisionnel central, se donnent pour politique de renforcer les capacités nationales de recherche. Une telle action devrait faire converger toutes les parties concernées, y compris les universités, publiques et privées (le cas échéant), l'industrie et des consommateurs. Le partenariat pourrait ainsi être renforcé au bénéfice du renforcement des capacités à tous les niveaux. Il serait nécessaire, pour cela, d'affecter de crédits distincts à cette fin ; les objectifs nationaux de qualité et d'innocuité des produits alimentaires devraient être intégrés dans les programmes communautaires ; des investissements d'équipement de laboratoires de recherche pourraient être réalisés ; et la formation de chercheurs et l'amélioration de l'entretien des laboratoires, conformément aux prescriptions internationales, devraient être menées de front. Enfin, une approche régionale, si elle est menée avec vigueur, de la recherche sur les questions de qualité et d'innocuité des produits alimentaires d'intérêt commun se révélerait particulièrement utile pour favoriser le commerce de produits alimentaires salubres à l'intérieur des pays et entre eux.

IX. Suggestions et recommandations en matière d'action consécutive

1. Promotion et facilitation de l'évaluation nationale de l'efficacité de l'éducation et de la formation

L'impact du changement dans les secteurs liés à l'inspection, à l'analyse, à la production des denrées alimentaires, au développement de produits alimentaires (innocuité et valeur nutritionnelle) et à la consommation doit être évalué. Il pourrait être nécessaire de normaliser les protocoles d'évaluation en fonction de la situation des pays.

2. Appui et services d'experts internationaux

Les organismes internationaux peuvent inviter les gouvernements à axer fortement leurs stratégies d'innocuité des denrées alimentaires sur des groupes spécifiques de population, à savoir les personnes socialement défavorisées et les groupes nutritionnellement vulnérables. Une approche communautaire pourrait être envisagée pour faciliter la mise en oeuvre de ce qui précède.

3. Promotion de recherches appropriées

Les priorités de recherche devraient se concentrer sur l'amélioration des résultats dans le domaine de la qualité des produits alimentaires, et servir de base à la formation et à la restructuration des programmes d'études. On pourrait par exemple viser à créer une base de données sur l'innocuité des denrées alimentaires, qui grouperait des informations sur les activités menées pour assurer la salubrité des denrées alimentaires aux niveaux local, national et régional. Les décideurs devraient être tenus au fait de ces informations, et se voir communiquer des résultats de recherche facilement exploitables. L'appui d'organismes internationaux pourrait alors être sollicité pour assurer une mise en oeuvre efficace dans le cadre de propositions allant de microprojets à des macroprogrammes.

4. Formation pilotée par les besoins

Des formations brèves des restaurateurs-vendeurs des rues, dans le cadre de programmes classiques ou autres, devraient être définies par les universitaires en coordination avec l'industrie et les gouvernements. Des documents éducatifs et de formation pratique devraient être élaborés à l'intention d'auditoires à faible niveau d'instruction, puis être harmonisés et diffusés à l'usage de communautés géographiquement ciblées. Des programmes de gestion de qualité et de l'innocuité des produits alimentaires s'adressant aux personnels de production du secteur alimentaire, à différents niveaux, pourraient également être élaborés.

Une coordination étroite des milieux universitaires et des acteurs du secteur alimentaire aux fins de la formation à la production alimentaire dans de bonnes conditions d'hygiène aussi bien que du contrôle des risques et des pertes associés aux produits alimentaires est souhaitable. Les hôpitaux, les pensions et les établissements d'accueil de personnes âgées devraient également recevoir toute l'attention voulue lorsqu'ils dispenseront des formations à la production et à la préparation hygiéniques des aliments, normaux ou thérapeutiques.

Un rôle responsable et multiforme peut donc être exercé dans le cadre de programmes éducatifs mettant tout particulièrement l'accent sur la qualité et l'innocuité des produits alimentaires. La protection de la santé du consommateur et l'assurance d'une production saine, de bonnes pratiques manufacturières, et de pratiques commerciales loyales peuvent être réalisées dans le cadre d'approches préventives bien comprises qui, dans la longue durée, s'avéreront durables.

X. Références bibliographiques

1. FAO/Organisation mondiale de la santé (OMS) 1997. Codex Alimentarius, Supplément au Vol. 1B, Principes généraux (Hygiène alimentaire). Rome. 2ème ED, FAOSTAT, Rome, 1999

2. Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI), Rapport sur les politiques alimentaires, Washington, D.C. 1997

3. Randell A.W., Miyagishima K., Maskeliunas J. (1998) Commission du Codex Alimentarius: Protéger les aliments aujourd'hui et pour l'avenir: alimentation, nutrition et agriculture, 21: 18-21

4. Seshadri S, Sheth M, Patel J, Sharma S.(1999) Analyse des dangers et maîtrise des points critiques pour les aliments de sevrage donnés aux enfants (6-24 mois) dans les taudis urbains de Baroda. Projet appuyé par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) - en collaboration avec le Centre de recherche sur la nutrition, M.S.University, Baroda (Inde)

5. Spriegel G. (1993) Quality, safety and profit: A Retailer's View. Proc. Food Sci. Technol. Today, 7(3): 171-175.

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7. Torres J.R (1995) Working paper on "Appropriate technologies applied to street foods", Réunion technique de la FAO sur les aliments de rue, en collaboration avec le All India Institute of Hygiene and Public Health, Calcutta (Inde).

8. Whitehead A.J. (1998) Assurer la qualité et l'innocuité des produits alimentaires et l'assistance technique la FAO, Alimentation, nutrition et agriculture, 21: 10-14.

9. Organisation mondiale de la santé (OMS) 1984. Le rôle de l'innocuité des denrées alimentaires dans la santé et le développement. Rapport d'un comité mixte d'experts FAO/OMS sur l'innocuité des denrées alimentaires, Rapport technique de l'OMS No 705, OMS, Genève

10. Organisation mondiale du commerce (OMC) 1999, Trading into the future, Centre William Rappard, Genève (Suisse)